Droit à un toit ou droit dans le mur ? Pour une VRAIE politique de lutte contre le sans-abrisme à Bruxelles

La crise du Samusocial ne serait qu’une déplorable « affaire » si elle n’avait surgi sur le fond d’un constat sur lequel La Strada vient de mettre un chiffre : depuis 2008, le nombre de personnes sans abri et mal logées a quasiment doublé à Bruxelles[1]. Cela sonne comme un échec cinglant de la politique en la matière. Les causes de cet échec incluent, entre autres, l’opacité des pratiques et des arbitrages politiques, un manque général de moyens accordés aux acteurs de terrain, la mise en concurrence de ces acteurs, le manque de prise en considération de leurs avis et recommandations lancinantes, leur inscription forcée dans les logiques intégratives de l’« État social actif », une augmentation frénétique des moyens financiers alloués à certains acteurs de l’urgence sociale, le manque catastrophique de logements accessibles et l’absence d’une politique de prévention digne de ce nom. Le secteur de l’aide aux sans-abris dénonce une politique de gestion des conséquences et réclame une politique intégrée, cohérente et ambitieuse de lutte contre le sans-abrisme, qui s’attaque également aux causes du phénomène.

Or, malgré les scandales liés à la Ville de Bruxelles, les pouvoirs subsidiants prévoient d’encore augmenter, dès 2017 et pour les années à venir, le budget alloué au Samusocial[2]. Parallèlement, une nouvelle ordonnance est sur le point d’être adoptée, qui crée une nouvelle mégastructure dont la position sera dominante. Au vu des dérives déjà constatées, il apparaît judicieux de contester, en concertation avec l’entièreté du secteur, la pertinence et l’opportunité de ces décisions.

La Commission d’enquête parlementaire consacrée au Samusocial délibère principalement sur des questions de gouvernance, et non sur l’organisation politique de la lutte contre le sans-abrisme. Nous appelons les parlementaires membres de cette commission, ainsi que tous les partis représentés au Parlement régional, à aller plus loin dans la réflexion, en mettant immédiatement sur pied une ASSEMBLÉE DÉCISIONNELLE, qui permette une véritable concertation avec le secteur, basée sur les données objectives déjà récoltées, les recommandations déjà formulées et les recherches déjà menées. Cette Assemblée décisionnelle arrêtera son propre agenda et définira ses urgences et priorités. En rassemblant tous les opérateurs concernés par la problématique − sans oublier les bénéficiaires, les politiques, les académiques, la société civile et les secteurs limitrophes[3] −, cette Assemblée décisionnelle dépassera la « Concertation bruxelloise de l’aide aux sans-abri »[4], qui doit par ailleurs être maintenue. Cette Assemblée doit aboutir à un consensus quant aux décisions à prendre, dès à présent et pour le reste de la législature. C’est elle aussi qui doit adresser une feuille de route aux décideurs de la prochaine législature.

Ensemble, nous pouvons faire de la crise du Samusocial une opportunité et rediriger les curseurs vers la fin du sans-abrisme.

Pour appuyer le présent appel, une marche rouge (de colère) − incluant tous les opérateurs concernés par la problématique, sans oublier les bénéficiaires, les politiques, les académiques, la société civile et les secteurs limitrophes − aura lieu le 18 septembre 2017, jour de la rentrée parlementaire.

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[1] La Strada est le Centre d’appui bruxellois au secteur d’aide aux sans-abri. Ce constat est le fruit d’un double dénombrement, réalisé en novembre 2016 et mars 2017.
[2] Justification du Budget général des Dépenses de la Commission communautaire commune pour l’année budgétaire 2017, Parlement bruxellois, 28 octobre 2016.
[3] Par « secteurs limitrophes » on entend ici, d’une part, ceux travaillant avec des personnes susceptibles de tomber à la rue (prison, assuétude, surendettement, santé mentale, violences conjugales, MENA, sans-papiers, etc.) et, d’autre part, ceux orientés vers la création, la rénovation, la mise à disposition, la location à bas coût ou la réquisition de logements (multipropriétaires, investisseurs, squatteurs, capteurs de logement, entreprises immobilières, AIS, Sociétés immobilières de service public, Community Land Trust, SRLB, fondations, etc.).
[4] Pour en savoir plus sur la « Concertation bruxelloise de l’aide aux sans-abri », voir ici.
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Ont déjà signé les organisations (du secteur bruxellois de lutte contre la grande pauvreté) suivantes :
AMA – APEFE – Aquarelle asbl – Baita – Brussels Platform Armoede – Bruxelles Accueil Porte Ouverte / Brussel Onthaal Open Deur – Cap-iti – CASG pour les Familles – CBCS – Centre de Prévention des Violences Conjugales et Familiales – Chez Nous / Bij Ons – CRER – Diogenes – DoucheFLUX – DUNE – Espace Social Télé-Service – Fami-Home – FASS – FdSS-FdSSB – Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri – Fondation Daishin – Foyer Georges Motte – Hobo vzw – @Home 18-24 – Home Victor Du Pré – Le Forum Bruxelles contre les inégalités – L’Îlot – Infirmiers de rue / Straatverplegers – Lhiving – La Ligue des droits de l’homme – Maison d’accueil L’Escale / Onthaalhuis Onderweg – Maisons d’accueil des Petits Riens / Onthaalhuizen van de Spullenhulp – La Maison Rue Verte asbl – Médecins du Monde – Les Petits Riens / Spullenhulp – Les Trois Pommiers – Pierre d’Angle / Hoeksteen – Les Samaritains / De Samaritanen – Solidarité Grands Froids – Talita

Alteréchos en parle : voir ici

Première version de l’appel (attention! la date de la marche a été modifiée, c’est bien le 18 septembre!) : voir ici.

3 réflexions au sujet de “Droit à un toit ou droit dans le mur ? Pour une VRAIE politique de lutte contre le sans-abrisme à Bruxelles”

  1. « urgence sociale… » :
    On ne parle pas d’échec lorsque les avoirs d’une entreprise commerciale sont détournés ou pillés… Le terme n’est pas mieux approprié dans le cas présent. Ceux qui passeront le coup de balai seront-ils assez vertueux pour résister à la cooptation des privilégiés et déloger tous les affreux ?

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  2. cette crise du samusocial est bien plus qu’une crise ,c’est une trahison qui fait bien des victimes, en premier lieu ,une trahison envers les usagers eux-mêmes mais aussi envers ceux qui ont crée le samusocial dans un esprit de philanthropie, envers ces acteurs du Samusocial qui travaillent sur le terrain , envers tous les acteurs du secteur du sans-abrisme et de la précarité qui donnent leur coeur et leur temps et sur qui cette crise rejaillit.
    Cette crise est effectivement aussi une chance pour tous les acteurs du secteur de la précarité de se réunir et de marcher ensemble car nous allons tous dans la même direction ,nous avons tous le même combat.
    Cet appel c’est notre chance de dire qu’il faut arrêter de rafistoler et mettre des pansements sur des plaies profondes mais qu’il faut chercher et trouver ensemble les remèdes pour les soigner et les faire disparaître
    Cet appel c’est notre chance de crier encore et encore que la pauvreté rime moins avec fatalité qu’avec société et cette société c’est nous qui la faisons mais nous pouvons aussi la changer

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  3. Je suis navré de constater que parmi les signataires de cet appel, se trouvent des maisons d’accueil qui se comportent de manière scandaleuse à bien des niveaux (vol, manigance en vue de profit maximum, maltraitance des hébergés, …). Effectivement il faut changer les choses, mais avant de pointer du doigt il faut balayer devant sa porte.

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